Endoctrinement et conviction (1/2)
- René Goyette
- 8 mars
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mars

L’endoctrinement dont on parlera ici va de l’adhésion à une secte à la conversion aveugle à une cause, à un dirigeant ou à une religion.
Bien que de nos jours le terme endoctrinement est péjoratif, il fut d’abord également mélioratif. Dans son premier sens, l’adhésion à une doctrine n’est pas nécessairement négative. Par exemple si un individu est « endoctriné » à une idéologie sur la protection de la nature ou si un autre lui adhère aveuglément à un mouvement d’aide aux victimes de violence. Leur endoctrinement ici n’est que profitable pour la société. L’endoctrinement dont on parlera ici va de l’adhésion à une secte à la conversion aveugle à une cause, à un dirigeant ou à une religion.
La force de la conviction

La réussite d’un endoctrinement est la conviction. Rien n’est plus solide qu’une personne qui agit étant convaincue que ses actes (même criminels) sont légitimes et justifiés. L’Histoire nous donne une longue liste des fidèles à une idéologie, à une religion, à une secte, à un mouvement patriotique qui ont donné leur vie sans hésiter.
Mourir convaincu
L’Histoire regorge de descriptions sanglantes, de personnes agonisantes et de champs de bataille jonchés de cadavres. Le chemin des humains est pavé de sang. Mais ce qui est le plus intrigant, c’est le combat singulier de ceux qui se donnent la mort consciemment et résolument convaincus que ce sacrifice ultime est justifié.

On est vraiment étonné quand on entend parler pour la première fois de ces Japonais qui se faisaient hara-kiri en s’ouvrant eux-mêmes le ventre avec leur couteau et mourraient parce qu’ils avaient insulté le Shogun. Plus tard, lors de la Deuxième Grande Guerre, les Nippons n’hésitèrent pas à lancer des avions kamikazes pilotés par des soldats fiers de mourir pour leur pays. Les Étatsuniens restèrent bouche bée devant ce phénomène; il leur était impossible de concevoir une telle conviction. Du côté de l’Asie, on a vu l’immolation par le feu de gens plus que déterminés à sensibiliser à une cause. Que de souffrances sauvées par la mort.

On s’éclate !
Puis, nous sont venus de l’Orient les attentats suicides. Une personne enveloppée d’explosifs se fait exploser dans une foule, au marché, dans un avion. La vie semble tout à coup sans valeur quand il s’agit d’appuyer ses convictions. On peut difficilement imaginer la détermination nécessaire à un projet dont le point final coïncide avec sa propre mort.
Pilote de la mort
Si, par exemple, on prend la place d’un des djihadistes qui pilotait un appareil qui s’écrasa dans une des tours de New York. Cette personne faisant partie d’un ensemble bien organisé. En tant que soldat de cette fatwa, après sa mort il serait comblé au paradis et sanctifié par ses pairs.

Le fait que ce fidèle devait suivre des cours de pilotage ramène loin en arrière l’adhésion à la mission. Ce qui signifie que le futur pilote savait quelques mois à l’avance que la victoire serait sa fin. En plus, à un moment donné il dû apprendre la date de son décès : 11 septembre à 8h37.
Ici le mot conviction prend tout son sens. Vous vous engagez dans une mission où, dans quelques mois, vous allez mourir avec 135 passagers. Qui ne compterait pas les « dodos » ? Comment peut-on en arriver à sacrifier son existence et ne plus avoir aucun scrupule à éliminer des vies innocentes ? Cela nous amène à l’incontournable affirmation que la conviction peut être un des dangers les plus redoutables que l’humanité devra affronter.

Assoiffés de conviction
Bien que la laïcisation des sociétés modernes a été bénéfique pour les démocraties, il n’en a pas été de même pour les tissus sociaux. On dit que la religion est l’opium du peuple et sans religion bien des gens se sont, spirituellement, retrouvés orphelins. Quelle que soit la situation qui peut rendre un individu affaibli ou en détresse, le besoin de soutien et de réconfort fait tendre la main. C’est souvent là que les carences poussent vers les bras ouverts d’un gourou, d’une secte sentant la famille ou d’un groupe qui s’invite à vous aider. Besoin d’amour, de réconfort, de partage, de reconnaissance. Mais les motivations sont aussi parfois, un besoin d’agir contre quelque chose, une soif de vengeance contre un régime.
Les deux convictions
Il y a deux grandes voies tracées par la conviction. Il y a le cas des gens qui adhèrent à un pacte de suicide afin d’aller ensemble au paradis et ceux qui sont convaincus qu’ils ont la mission d’éliminer une tranche de la population. On pourrait qualifier ces deux formes de conviction comme : la conviction religieuse ou idéologique et la conviction raciste.

La conviction religieuse est l’une des plus solides. Ici l’endoctrinement débute la plupart du temps dès l’enfance. On peut prendre pour exemple la croyance musulmane où la prime enfance est exposée aux doctrines religieuses. La lecture du Coran avec des œillères ne laisse place à aucune autre idéologie. On en vient ici à une forme d’ésotérisme dans le sens primaire du terme : éso=seul-unique térisme=théorie; c’est-à-dire une vision unilatérale excluant toute autre façon de voir.* Dans ce cas-ci, la conviction peut rendre les adhérents extrémistes. Le pire, c’est que les agissements violents qui peuvent en découler sont considérés comme justifiés et acceptables par les « croyants ». Résultats : on décapite, on tue, on martyrise au nom de Dieu (Allah).
* Ésotérique
Du grec ancien ἐσωτερικός (esōterikós, « appartenant à un cercle intérieur »), de ἐσωτέρω (esōtérō, « plus loin à l'intérieur »), comparatif de ἔσω (ésō, « à l'intérieur »), de ἐς (es), εἰς (eis, « dans ») (le terme ésotérique désignait à l'origine les enseignements secrets des philosophes grecs, par opposition aux enseignements publics ou exotériques).
À l'origine, l'ésotérisme désigne un enseignement professé soit à l'intérieur d'une organisation initiatique (comme les Mystères d'Éleusis) soit auprès d'un maître spirituel (comme Pythagore).1

La conviction raciste est aussi effrayante. Ici, on réussit à convaincre une race, une ethnie qu’elle est la société dominante et, par extension, que les individus extérieurs à leur clan sont une classe secondaire que l’on doit exclure, voire éliminer. Nous vient immédiatement à l’esprit la discrimination envers les noirs. On assiste dans ce cas à un endoctrinement qui a été jusqu’à engendrer l’esclavage et à la création d’une sous-classe à laquelle on a imposé un traitement proche de celui destiné aux animaux.

De cette même vision extrémiste naquit le nettoyage ethnique de la communauté juive par les nazis. Par une propagande basée sur la croyance que la nation germanique était une race pure et dominante, on créa une race inférieure indigne de vivre sur la même planète que cette élite artificielle. Résultat : des millions d’expatriés, de souffrances et de morts. Encore là, la conviction a permis de justifier ces horreurs. Dans le cas du nazisme, le régime militaire procura aux tortionnaires une justification utile : « nous suivons les ordres ».

Épilogue
Dans cette analyse, on a pu se rendre compte de la fragilité des humains face à l’endoctrinement. Ça fait peur de constater avec quelle facilité certaines idéologies racistes ou certaines visions étroites peuvent être imposées. Il est surtout intrigant de voir comment, par propagande ou par enseignement, on peut faire faire des actes inacceptables et des horreurs à des gens qui en croient la justification.
Dans la prochaine chronique, nous verrons comment des gourous et de faux prophètes charismatiques ont réussi à inciter des centaines d’adeptes à tout donner, jusqu’à leur vie, avec la conviction que c’était leur destinée.
Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.
RÉFÉRENCES
1
Wikipédia - Ésotérisme et exotérisme
Informations supplémentaires

L'Envoûtement des croyances 2e Ed.
De Placide Gaboury

De Nicolas Guéguen

De Marco Della Luna, Paolo Cioni, Donatella Chersul, Françoise Vital, Thibault Philippe
Comentarios